Il m'arrive parfois
(bon, d'accord : souvent... c'est compulsif en fait)
de suivre apparemment au hasard des personnes dans la rue
J'emboite leurs pas pendant 10 secondes, 30 secondes, parfois une minute, rarement plus.
Comme on se penche au rebord d'un balcon pour regarder quelqu'un en contrebas, à son insu.
Pas du tout comme a pu le faire Sophie Calle dans ce qui devint la Suite Vénitienne, ici point de filature, point d'enquête, la poursuite n'est pas au service du point d'exergue que constitue la rencontre finale avec la personne suivie.
Non, juste de manière pulsionnelle, celle de calquer sa marche -au rythme prêt- à celle d'un étranger, sans autre but que ces quelques secondes d'enchâssement de ma marche dans la leur.
Durant ce laps de temps, j'éprouve l'étrange sentiment de l'abîme qui me sépare d'eux
Et quand, aussi proche que je puisse être de leur corps, ce sentiment devient par trop vertigineux, quand mon regard n'en peut plus de mesurer la distance qui me sépare d'eux, je décroche mon rythme du leur.
Comme on perd une enfance
Comme on lâche une main
En silence.
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